mardi 2 février 2016

Décès de François Favre

Le 18 janvier 2016 s'éteignait François Favre.
Ce médecin formé en psychiatrie avait été la cheville ouvrière du Groupe d'études et de recherche en parapsychologie dans les années 1970 et 1980. Il était le personnage central du chapitre 10 de mon livre La légende de l'esprit.
J'avais laissé un point d'interrogation pour sa date de décès car je ne parvenais pas à reprendre contact avec lui pour lui faire relire ce que je disais de lui. Et maintenant, tous mes principaux protagonistes sont décédés... cela devient vraiment un livre d'histoire...

J'ai beaucoup lu les travaux du GERP (disponibles sur http://gerp.free.fr et ceux de Favre sur http://www.sciencesphilo.fr) durant l'année 2003-2004, effectuée à Montréal, et j'ai tout de suite souhaité le rencontrer à mon retour en France. Ma cousine me disait de me méfier car cela sentait la secte !

François m'avait accueilli dans son très modeste appartement parisien. Il a accepté de répondre à mes questions et à me conter des anecdotes, tout en se plaignant de n'avoir comme interlocuteur qu'un jeune étudiant en psychologie pas encore diplômé. Il avait la nostalgie des débats pointus du GERP avec des futurs directeurs de recherche au CNRS ou des physiciens tels qu'Olivier Costa de Beauregard. Mais la dynamique n'était plus la même et ses idées intéressaient désormais une nouvelle génération. 

Il est venu en 2004 faire une conférence à l'IMI qui tourna court, puisqu'il se borna à critiquer les fondements de la parapsychologie rhinienne comme s'ils guidaient encore (explicitement ou implicitement) les travaux actuels. Le texte de sa conférence (accessible ici : http://www.metapsychique.org/Psi-et-intentionalite.html) montre qu'il avait développé un modèle complet et complexe qui aurait pu faire l'objet d'une conférence alternative. Mais François se construisait d'abord par la confrontation, il lui fallait des contradicteurs, des joutes intellectuelles. L'exemple du Débat Sorbonne de 1999, que j'analyse dans mon livre, est son dernier grand fait d'arme en la matière.

Comme je l'ai caractérisé dans mon livre, il incarnait pour moi une parapsychologie soixante-huitarde. Il m'avait expliqué que débattre était pour lui une activité si intense qu'il pouvait en venir aux mains quand les mots ne suffisaient plus ! Par ailleurs, il savait être très doux avec les plus faibles et développait une philosophie morale et laïque. 

Il est même venu animer un séminaire pour les membres du Groupe étudiants de l'IMI. Nous apprenions beaucoup tout en étant déçus de son attitude intellectuelle, passant par certaines affirmations qui nous semblaient péremptoires. Il avait des idées testables (comme par exemple, sur la régulation finaliste des naissances de garçons après les charniers des guerres mondiales ; ou  sur l'expérience de Libet), mais ne se donnaient pas tellement les moyens pour les mettre à l'épreuve. 

Comme avec beaucoup de ses interlocuteurs, son agressivité m'a épuisé. Et je me suis rendu compte aussi de ses limites dans sa capacité à discuter d'idées qui n'étaient pas les siennes, à voir le côté subjectiviste de ses théories (son modèle du circuit psi est... un mandala ! comme le lui fera remarquer Guy Beney, à son grand étonnement). Il ne lisait pas bien l'anglais et était coupé des travaux étrangers. Mais il avait néanmoins pris le temps de répondre en détail à plusieurs de mes questions théoriques et historiques.

Un autre souvenir est la fois où je l'ai aidé à déménager sur Béziers, au milieu de mes vacances. Je m'attendais à être payé de connaissances, mais il m'annonça d'emblée qu'il n'avait pas envie de parler de parapsychologie ! Cela m'évoque cette histoire du maître chinois qui claque sa porte au nez du disciple qui vient le quérir, à plusieurs reprises, jusqu'à ce que ce dernier comprenne cette leçon de sagesse. 

François m'avait chargé d'informatiser ses innombrables fiches de lecture. Je n'ai pas réussi à en déchiffrer une seule. Il m'a encore mandaté pour protéger les archives du GERP en les confiant à un institut étranger, qui n'en a pas voulu. J'en ai finalement confié une partie à l'IMI et j'en ai gardé une partie chez moi. C'est un trésor que j'ai voulu partager dans mon livre en essayant, par le moyen de ces écrits et d'autres témoignages, de rencontrer autrement François Favre lorsqu'il était la force vive de la métapsychique. A son époque, il s'était fait historien de la parapsychologie, à sa façon (dans son article "Les enfants du Lac de Constance"). Plutôt historien des idées que des faits. Il avait su sortir de l'oubli Agénor de Gasparin ou René Sudre, et donner pour modèles les humanistes Hubert Larcher et Hans Bender. C'est dire s'il m'a beaucoup influencé et m'influencera toujours.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Nous avons du nous croiser quelques heures, car j'étais celui qui avait saboté son déménagement à Béziers, en considérant avec une grande exactitude le volume des volumes de François, mais en négligeant le poids des mots, ce qui fit tousser les gendarmes qui nous mirent sur la balance, à l'entrée de l'autoroute, pour 220% de surcharge...
    En tout cas, merci pour le coup de main...
    J'étais un ami de FF, mais rarement d'accord avec lui, ce qui me fit dire que lorsque nous étions d'accord, c'était surement suite à un malentendu...
    Comme vous le remarquez, c'est un personnage qui nous incite à réfléchir, soit pour affuter nos arguments, soit pour en vérifier le bien fondé!
    Pour info, son site n'étant plus ligne, j'en avais gardé une copie (de 2011). Si quelqu'un en a besoin, il suffit de demander.
    Salutations
    JL Becquereau

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  2. Oui, je me rappelle de vous, plutôt "ufologie" si je ne m'abuse ! Quelle aventure ce jour-là, le poids des mots, c'est bien dit !
    Je suis preneur pour la copie du site, je n'avais pas tout sauvegardé !
    Merci d'avance
    Renaud E.

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